Décryptage des résultats de la COP21

Décryptage des résultats de la COP21

L’Accord de Paris, adopté à l’issue de la CdP21 en décembre 2015, est un accord historique qui a permis de réunir autour d’une cause, celle de la lutte contre les changements climatiques, la quasi-totalité des pays du monde.

Il apporte des nouveautés indéniables sur le niveau d’ambition, la place de l’adaptation, le financement, la confirmation du mécanisme des pertes et de dommages, ou encore la reconnaissance du rôle des parties prenantes non étatiques, telles que les organisations de la société civile et les gouvernements locaux.

Toutefois, certaines insuffisances sont à regretter, comme l’absence de caractère véritablement contraignant de l’accord, le manque de prévisibilité du financement (malgré la demande forte des pays en développement) et de dispositions concrètes pour les moyens de mise en œuvre.

 

Décryptage détaillé

L’analyse ci-dessous est tirée de la Note de positionnement – Appui à la préparation de la concertation francophone organisée par l’IFDD à l’occasion de l’Assemblée Générale de l’Agence Internationale des Energies Renouvelables (IRENA) Janvier 2016, rédigée par ENERGIES 2050 pour le compte de l’IFDD

L’Accord de Paris, adopté à l’issue de la CdP21 est, sans conteste, un accord historique. Il apporte des nouveautés indéniables sur un certain nombre de points que nous détaillons ci-dessous. Toutefois, certaines insuffisances sont à regretter ; nous les aborderons dans un deuxième temps.

1 Les principales avancées de l’accord

 

a) Le niveau d’ambition

Alors que, depuis Copenhague en 2009, la Convention des Parties s’était donnée pour objectif de maintenir le réchauffement à 2°C à la fin du siècle par rapport aux niveaux préindustriels, l’accord de Paris vise à le contenir « nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels » tout en « poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels ». (Article 2)

Même si certain n’y verront que des détails de formulation, il s’agit là d’une avancée majeure, qui était loin d’être acquise avant la CdP21.

En outre, les engagements des Parties contenues dans leurs Contributions déterminées au niveau national (CPDNs) devront être révisés tous les 5 ans et toujours à la hausse. Il est aussi permis aux pays de rehausser leur niveau d’ambition à tout moment. (Article 3 et 4).

Enfin, un « Bilan Mondial » sera réalisé tous les 5 ans pour évaluer la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Le premier Bilan Mondial est prévu en 2023 (Article 14 de l’Accord).

 

b) L’adaptation

Le principe de donner une importance égale à l’atténuation et à l’adaptation avait déjà été acquis l’année précédente à Lima. L’Accord de Paris renforce cette décision et consacre la création d’un objectif mondial en matière d’adaptation (Article 7), qui vient faire écho à l’objectif mondial en matière d’atténuation déjà existant. De la même façon, un processus d’examen technique des mesures d’adaptation est créé, pendant du processus d’examen technique relatifs aux émissions de gaz à effet de serre déjà en cours.

En outre, le lien de l’adaptation avec les niveaux d’atténuation est clairement indiqué dans l’accord. En effet, plus les efforts d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre seront grands, moins les bouleversements climatiques seront importants et moins il sera nécessaire de s’adapter.

 

c) Le financement

L’objectif de 100 milliards de dollars par an

Depuis Copenhague en 2009, les pays développés se sont engagés à mobiliser annuellement, à partir de 2020, 100 milliards de dollars américains par an pour des projets climat dans les pays en développement. Conformément à la demande des pays en développement, ce montant constitue désormais un seuil plancher et d’ici 2025, un nouvel objectif devra être fixé, qui devra être supérieur ou égal à 100 milliards/an (Décision 1/CP21, para. 54).

En outre, les pays développés sont priés de commencer sans attendre : en effet, la Conférence des Parties « demande fermement aux pays développés parties d’amplifier leur aide financière, en suivant une feuille de route concrète afin d’atteindre l’objectif consistant à dégager ensemble 100 milliards de dollars des États-Unis par an d’ici à 2020 pour l’atténuation et l’adaptation ». (Décision 1/CP.21, para. 115). Le financement de l’adaptation, en particulier, devra être augmenté sensiblement par rapport aux niveaux actuels.

 

Le partage du fardeau

Les pays développés souhaitaient que les pays émergents participent également au financement des mesures climat dans les pays qui en ont besoin. L’Accord de Paris leur donne une satisfaction partielle. En effet, l’Article 9 stipule clairement que l’obligation de fournir les ressources financières aux pays en développement en ayant besoin revient toujours aux pays développés, qui doivent de surcroît augmenter leur financement.

Toutefois, il indique aussi que les autres Parties peuvent contribuer « de façon volontaire ». Bien que minime, il s’agit tout de même d’un progrès sur ce sujet qui faisait l’objet d’une très forte discordance entre pays développés et en développement.

 

d) Les autres moyens de mise en œuvre

Ceux-ci sont traités dans la Décision d’adoption de l’accord, qui prévoit notamment :

  • Le renforcement du Mécanisme technologique (Décision 1/CP.21, para. 67)
  • La création du Comité de Paris sur le renforcement des capacités (Décision 1/CP.21, para. 72)

En outre, la Conférence des Parties « décide d’accroître de manière urgente et adéquate l’appui apporté par les pays développés parties en matière de ressources financières, de technologies et de renforcement des capacités afin de rehausser le niveau d’ambition des mesures prises par les Parties avant 2020 » (Décision 1/CP.21, para. 115).

 

e) Transparence

L’accord prévoit l’adoption prochaine de lignes directrices en matière de transparence, assortie d’une flexibilité pour les pays en développement et surtout les pays les moins avancés (PMA) et les petits Etats insulaires en développement. Cette exception vise à éviter d’accroître le fardeau que constituent pour eux les obligations de transparence au titre de la Convention (Article 13).

 

f) Développement

La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques reconnaissait déjà les « besoins prioritaires légitimes des pays en développement, à savoir une croissance économique durable et l’éradication de la pauvreté ». La priorité du développement par rapport aux mesures nécessaires pour atténuer les changements climatiques est réaffirmée dans l’Accord de Paris et la Décision d’adoption sur deux points précis :

  • L’accès universel à l’énergie, en particulier en Afrique (préambule de la Décision 1/CP.21). Cet accès universel doit être permis par le déploiement d’énergies renouvelables
  • La sécurité alimentaire. Celle-ci est reconnue comme « priorité fondamentale » dans le préambule de l’accord

 

g) Société civile et autres parties prenantes

Le fort investissement de la société civile et d’un ensemble de parties prenantes – en particulier les villes et autres collectivités locales, les ONG, le secteur privé… – en amont de la CDP21 aura permis de voir leur rôle reconnu dans la décision d’adoption de l’Accord de Paris.

Dans la décision 1/CP.21, para 118, la Conférence des Parties « se félicite des efforts déployés par les entités non parties afin de développer leurs actions en faveur du climat, et encourage l’affichage de ces actions sur le portail des acteurs non étatiques pour l’action climatique » (repris para.134). Elle encourage aussi un accroissement de cette participation (para. 119 à 122 et 135). En outre, un titre entier (« V. Entités non parties ») leur est consacré.

 

2 Les principales déceptions de Paris

 

a) L’absence de caractère contraignant de l’Accord

Alors que de nombreuses Parties s’étaient prononcées, en amont de la CdP21, pour un accord « juridiquement contraignant », l’accord qui a finalement été adopté à Paris ne l’est clairement pas. Il contient principalement des obligations en matière de communication d’informations ou de contributions volontaires mais aucun mécanisme pour en garantir l’application n’est prévu.

Si cette « forme juridique » très souple peut être considérée comme une déception par certains, elle présente cependant certains avantages comme la révision plus facile des objectifs. Elle peut aussi encourager un niveau d’ambition supérieur de la part des Parties, qui ne se trouveront pas bloquées par la peur de sanctions.

 

b) L’absence de dispositions permettant la concrétisation des moyens de mise en œuvre

Si le principe d’une augmentation des moyens de mise en œuvre au profit des pays en développement a été acté dans l’Accord de Paris, il n’a pas été assorti de dispositions pour en assurer la concrétisation. En outre, aucun objectif chiffré n’a été fixé. Cela est de nature à mettre en doute le sérieux des Parties sur cette question pourtant primordial.

 

c) Le manque de prévisibilité du financement

La prévisibilité du financement était une demande légitime très forte des pays en développement qui ont besoin de visibilité sur les moyens disponibles pour préparer des projets ambitieux inscrits dans la durée. L’article 9 de l’accord va dans ce sens, puisqu’il oblige les pays développés à communiquer tous les deux ans des informations quantitatives et qualitatives à caractère indicatif sur les ressources financières mobilisées. Les autres Parties qui décideraient de participer au financement (comme, par exemple, les grands pays émergents) peuvent également le faire à titre volontaire.

Cette avancée reste néanmoins peu probante dans la mesure où la mise en place d’une feuille de route indicative sur deux ans seulement ne permet pas d’avoir la visibilité nécessaire pour mettre en place les actions nécessaires.

 

3 De Paris à Marrakech … ou le défi de la mise en œuvre

 

L’Accord de Paris a été adopté à 19h30 le samedi 12 décembre par les 195 Etats-Parties membres de la CCNUCC (l’Union européenne qui est la 196ème Partie n’a pas un droit de vote). Malgré toutes les possibles réserves, il convient de souligner qu’il constitue le premier accord universel sur le climat et, à ce titre, il est déjà historique. Malgré toutes les déclarations préalables et autres expressions de bonne volonté le consensus était loin d’être certain. L’accord de Paris a permis de faire des progrès notables qu’il s’agisse du niveau d’ambition, de la place accrue de l’adaptation ou de la confirmation du mécanisme de pertes et de dommages, du financement qui sont autant d’enjeux majeurs qui ont connu des avancées significatives.

 

On peut toutefois regretter dans l’accord l’absence de mécanismes permettant d’exercer une contrainte réelle sur les Parties ainsi que le manque de mesures concrètes pour s’assurer de la réalité des moyens de mise en œuvre qui seront mis à la disposition des pays en développement.

Il convient également de souligner que l’accord a été presque unanimement salué qu’il s’agisse de la Présidente du G77, du Groupe de Pays les moins avancés ou encore de la Chine ou des Etats-Unis. Bien sûr, plusieurs Parties ont reconnu que l’accord ne prenait pas en compte l’intégralité de leurs préoccupations mais chacun s’est accordé à mettre en avant le fait que l’accord ne fermait aucune porte ou option. Ceci étant dit, le plus important reste à venir et la CdP22 qui se déroulera en 2016 à Marrakech devra apporter son lot d’engagements pour confirmer les décisions et les transformer en réalité. Le chemin va être long mais « l’esprit de Paris » doit perdurer. La prochaine étape sera celle de la cérémonie officielle de signature organisée à l’occasion de la prochaine journée mondiale de la Terre le 22 avril 2016 à New York.

A noter que de nombreux acteurs comme ENERGIES 2050 continuent à penser que le temps ne doit plus être au plaidoyer mais à l’action car l’évidence des réalités présentes et des conséquences à venir si nous ne faisons rien sont de plus en plus visibles. Ne pas agir aujourd’hui revient à payer un prix incroyablement élevé demain alors que l’humanité dispose, dès à présent, d’une multitude de solutions à même de participer à la transformation durable et solidaire de nos sociétés.

 

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